mardi 26 mai 2020

Les entretiens de Baseball France : Glenn Gervot

 


Figure bien connue du baseball français, il n'est pourtant ni joueur, ni entraîneur. Vous le connaissez à travers ses clichés : il s'agit de Glenn Gervot.

Glenn, bonjour. Peux-tu te présenter en quelques lignes puis nous expliquer comme le baseball et la photographie sont entrés dans ta vie ?

J’ai 46 ans et suis photographe professionnel depuis 7 ans. J’ai toujours été un passionné des Etats-Unis : comic-books, films, trading cards...

A 11 ans, je vais voir au cinéma « Le Meilleur » … Et là, c’est un déclic, le début de ma passion pour le baseball. J’arrive à acheter un gant et une batte dans un magasin de sport de ma ville et je lance une balle de tennis contre un mur tous les jours.

Quant à la photographie, je ne viens pas d’une famille du métier. Je n’ai jamais pris de cours, mais lors de mon master aux USA, j’ai voulu « immortaliser » mon expérience : j’ai donc commencé à réaliser des clichés avec un appareil prêté par une amie. Quelques dizaines de photos développées plus tard, j’avais attrapé le virus...

J’aime particulièrement la possibilité de créer, de façonner ou même reproduire des clichés. Je suis un vrai collectionneur dans l’âme et je crée moi-même ma collection. La photographie sportive, elle est venue une dizaine d’années plus tard à force de m’imprégner des superbes clichés présentés dans Sports Illustrated, sur le site d’ESPN.

"je ne savais pas que ce serait son tout dernier match"
                                              
Est-ce que le métier de photographe a été une évidence dans ton cheminement professionnel ? Y a-t-il eu un déclencheur ?

Non : très, très loin d’être une évidence. Je suis botaniste de formation et j’ai eu l'opportunité de faire un master en pathologie végétale aux Etats-Unis. C’est là que je me suis mis à la photographie de manière amateure, plus pour immortaliser ma vie américaine qu'en pensant en faire ma future vocation.

Je suis ensuite revenu en France pour effectuer mon service militaire avant de réaliser un virage a 360°. Suite au peu d’opportunités de travail dans la biologie, je suis devenu consultant en Business Intelligence tout en poursuivant la photographie, toujours en amateur. Je me suis finalement lancé en 2013 avec comme premier client la FFBS. Depuis 2014 je suis le photographe officiel des Équipes de France de Baseball, Softball et Baseball 5.

"le baseball cubain par excellence, cet amour pour cette balle à couture !"

Quelles sont les qualités requises pour être un bon photographe de sport en général et de baseball en particulier ?

Connaitre le sport est évidemment un plus. Je reviendrai plus tard sur le baseball / softball : c’est un sport vraiment spécifique à photographier.

Cependant, je pense qu’une bonne culture sportive est indispensable pour être un bon photographe de sport. Comme tout professionnel, il faut être prêt. Être à l’heure pour l’événement, c’est à dire bien en avance du coup d’envoi.

Il faut comprendre que chaque stade, arène, terrain et même équipe, ont leurs propres règles. S'approprier l’environnement dans lequel vous allez travailler en y consacrant 3 ou 4 heures, est indispensable. Vous saurez ainsi où vous placer, le type d’angle existant, l'objectif à utiliser, etc. Au final, ça fait la différence.

Au cœur de l'action, il faut aussi connaître les équipes avec leurs joueurs clé. Concernant le baseball et le softball, on doit savoir maîtriser les circonstances de jeu : quel est le compte de la manche ? Ai-je un coureur rapide en première base ? Quels sont les frappeurs en forme ? (etc.)


"une forme d'icone du baseball MLB, flashy"

Quel que soit le domaine, on a souvent des influences. Si tel est le cas, quel nom proposerais-tu et pourquoi ?

Pour le Baseball, sans hésiter, Brad Mangin et Alex Trautwig. Deux incroyables photographes avec qui j’ai toujours l’impression qu’ils arrivent soit à se dupliquer sur le terrain, soit à savoir à l’avance ce qu’il va se passer ! Tout a l’air si facile avec eux. De vrais Master Jedi :) J’ai une chance incroyable de pouvoir les connaître et - bien plus encore - d’être amis avec eux !

Je suis aussi particulièrement fan d’Andy Kuno et JasonHanna qui sont les photographes respectifs des San Francisco Giants et des Kansas city Royals. Ils arrivent si bien à jouer de la lumière dans leur stade, c’est simplement impressionnant !

Ensuite, pour la partie portrait et éclairage photo, l’ultime Master est Joey Terrill. Un génial pédagogue, et un vrai « géo-trouvetout » de l’éclairage.


"la France ne se qualifiera pas"

Il y a certainement des clichés qui te satisfont plus particulièrement. Peux-tu nous en présenter quelques uns ?

Oui, certaines photos ont plus de valeurs que d’autres. Certaines pour une valeur personnellement sentimentale, d’autres pour l’émotion qu’elles montrent.

La première me tient particulièrement à cœur, le dernier match de Tim Lincecum avec l’uniforme des Giants de San Francisco en 2015. Un joueur que j’ai toujours adoré, et pris plusieurs fois en photo mais là je ne savais pas que ce serait son tout dernier match à l’AT&T Park ! Il n’a malheureusement duré que 2 manches et est sorti sur blessure après un retour de frappe ! La dernière fois qu’il est revenu à San Francisco, c’était pour les adieux de Bruce Bochy !

La seconde, c’est une photo que je n’ai pas vu sur le moment ! Oui cela arrive aussi;) C’est la finale du challenge de France 2016, entre Sénart et Rouen, à Sénart. Match a couteau tiré comme à l’accoutumé entre ces deux équipes. Ernesto Martinez, catcher lors de cette finale, récupère une pop-fly derrière le marbre, qui élimine le frappeur de Rouen. Il embrasse la balle dans son gant ! Pour moi cela représente le baseball cubain par excellence, cet amour pour cette balle a couture !

La troisième est plus figurative. Je suis fan des Giants de San Francisco depuis plus de 30 ans. Cette photo de Brandon Crawford est pour moi une forme d’icone du baseball MLB, flashy, avec le joueur intégrant la publicité du stade.

La quatrième est la plus artistique(ment triste). Nous sommes à la fin du match entre la France et l’Espagne lors des championnats d’Europe 2016. La France perd 10-8 contre l’Espagne après 10 manches ! L’équipe de France est défaite, dans tous les sens du terme et il est difficile pour moi de «voler» les photos de la peine des joueuses. Je déclenche juste une fois sur Marion Magnée, première base de l’équipe de France. Elle résume à elle seule le moment et l’esprit de cette défaite qui signifie que la France ne se qualifiera pas pour une place dans le top 8 européen.

La cinquième et dernière est une image forte de réaction après une frappe, qui prouve que parfois rester sur un joueur après sa frappe est gagnant en terme d’émotion ! Nous sommes au tour qualificatif de la World Baseball Classic en 2016. Espagne – France, à Panama City. Après plusieurs coups sûrs, Douglas Rodriguez frappe un simple et explose de joie. Il permettra à l’équipe de France de marquer son 5ème point et de battre l’Espagne pour la seule victoire française à ce jour en tour qualificatif de la World Baseball Classic.

Du côté de la MLB, connais-tu certains joueurs ou entraîneurs ? Dans la positive, cela peut-il faciliter ton travail de photographe, la réalisation de certaines photos ?

Alors, coupons court à un mythe : les règles sont les mêmes pour tous les photographes, à l’exception du ou des photographes de l’équipe locale. Pas de passe-droit en MLB.

Coté joueur, c’est très compliqué. Il est spécifiquement demandé au photographe de se mettre à l’écart. Maintenant, d’eux-mêmes, ils t’approchent et tu peux discuter avec eux. Certains sont très décontractés, d’autres plus dans la concentration d’avant match.

Par contre, j’ai tissé de forts liens d’amitié avec
Ron Wotus, tour à tour «coach of the year» en MLB California League, Bench coach puis Coach de 3eme Base chez les Giants de San Francisco. Il est en MLB depuis plus de 20 ans ! Au fil des avants matches, nous avons beaucoup échangé sur la France, le vin, le baseball européen, etc. Nous avons gardé contact et sommes devenu amis. C’est une personne extraordinaire, un vrai génie du baseball !


"Douglas Rodriguez frappe un simple et explose de joie !"

Les fans de baseball te connaissent évidemment en tant que photographe sportif. En parcourant ton portfolio, on découvre que tu possèdes d'autres cordes à ton arc comme la photographie animalière ou encore urbaine. Peux-tu nous en dire plus ?

AH AH AH ! Oui, il n’y a pas que la photo de sport dans la vie, n’est-ce pas ? La photo animalière a beaucoup de points communs avec la photo de sport : le matériel, la rapidité du sujet, etc. Je dois dire que photographier des aigles en Alaska est peut-être le sujet le plus difficile que j’ai eu a immortaliser. Mais quel bonheur ! Une expérience inoubliable.

Quant à la photo urbaine, c’est un peu par cela que j’ai commencé. Mais je ne suis pas trop photographie de rue, simplement par ce que je n’aime pas la présence d’individus dans mes prises de vues. Je me suis rendu compte que j’appréciais les photos urbaines aseptisées, sans âmes qui vivent !

Baseball France conclut toujours ses entretiens par un espace de libre expression : Glenn, tu as la parole.

Un grand merci pour cet entretien : pas facile de passer sur «le grill». Je vous remercie de mettre en avant cet autre côté du sport, celui qui tend a immortaliser nos événements.

Merci à Glenn Gervot pour sa disponibilité dans la réalisation d'un sujet qu'il nous tenait à coeur de réaliser depuis la naissance même de Baseball France, mais également son aide régulière qui nous a permis d'illustrer certains entretiens.